A la question Qu’est-ce qu’un laps pour toi?… On s’attendait à une réponse écrite par l’Ecrivain et finalement, dans ce texte, comme dans son oeuvre et dans son parcours où les vérités se croisent et s’y transforment en mots, ce sont l’Avocat et l’Ecrivain qui, ensemble, dialoguent et répondent.
Laps
Un ami écrivain me parlait récemment de sa nièce de six ans : « Elle me fait penser à toi : quand elle passe dans le couloir de mon appartement, elle soupire : Je m’ennuie. »
Une graphologue, à qui j’avais montré deux pages manuscrites (écrites à vingt ans d’intervalle) m’avait expliqué : « Ton écriture a les mêmes forces et les mêmes faiblesses que quand tu étais adolescent : la position immobile te met mal à l’aise. »
En écrivant ce texte, je prends conscience de ce paradoxe : les laps sont des zones tampons dans ma vie que je ne sais pas gérer ; je les fantasme (attendre à une terrasse de café, prendre du plaisir à attendre quelques secondes, quelques minutes ; j’aimerais apprendre à attendre). Pourtant, les laps structurent mon écriture (plus que la grammaire ou l’orthographe) : les points-virgules, les espaces entre mes paragraphes occupent une place essentielle dans mes livres : souvent, j’explique que 90% de mon travail d’écriture est consacré aux transitions, à répartir les paragraphes de manière semi-aléatoire en fonction des blancs, des non-dits qu’ils génèrent.
« Les silences dans mon écriture sont des espaces entre deux dents » ai-je écrit dans Les Carnets blancs. »
« Ils disent que mon écriture est simple. Ce n’est pas de ma faute s’ils ne peuvent pas entendre les cloches dans ma tête. »
Je suis avocat et écrivain. On me demande souvent comment je conjugue les deux. De manière mécanique, je répète : Je suis dans la maîtrise quand je suis avocat, dans l’abandon quand je suis écrivain ; j’ai besoin des deux pour être en mouvement.
L’avocat ne sait pas gérer les laps ; l’écrivain les range comme des peluches imaginaires.
En 2010, mon nom d’avocat a fusionné avec mon identité d’écrivain.
Depuis, je suis redevenu Mathieu (espace) Simonet. Seule ma signature a gardé la trace du nom maternel. Cinq lettres. Ce laps que je ne prononce plus.
Mathieu Simonet
Né en 1972 à Paris. Vit et travaille à Paris.
Ecrivain et avocat, Mathieu Simonet s’intéresse aux questions du droit d’auteur et des frontières de l’autobiographie. Ses écrits partent de ses expériences intimes pour penser des projets artistiques dont la réalisation requiert la participation d’autres personnes.
De 2006 à 2009, il co-anime chaque semaine une émission sur VIVRE FM. Entre 2004 et 2006, il collabore avec le photographe Cyrille Benhamou au Métrographe où ligne par ligne, ils voyagent dans le métro et saisissent, par la photographie et l’écriture, des instants de cette promenade sans fin.
En 2010, il publie Les Carnets Blancs (Seuil), récit de la dispersion de 100 carnets intimes, rédigés entre 1984 et 2004 et confiés au hasard de ses rencontres, avec pour instruction de les transformer et/ou de les faire disparaître. Il participe à la Revue littéraire (éd. Léo Scheer) et au Magazine Littéraire. En 2012, il publie La Maternité (Seuil. Prix de l’Ile aux Livres) et Les Corps fermés (éd. Emoticourt) puis en 2013, Marc Beltra, roman autour d’une disparition (éd. Omniscience).
Depuis 2014, Mathieu est administrateur de la Société des Gens de Lettres et nommé à La Commission des contributions financières à la production de films de court métrage du CNC.
Parallèlement à son activité d’avocat, Mathieu Simonet élabore et anime des ateliers et projets d’écriture entre autres, auprès d’établissements scolaires et en milieux hospitaliers.